Depuis la réforme du système d’immatriculation (SIV), certaines plaques départementales sont devenues omniprésentes sur nos routes. Sur les routes de France, un détail intrigue les automobilistes les plus attentifs : la fréquence inhabituelle de la plaque immatriculation 60 (Oise) et de la plaque immatriculation 76 (Seine-Maritime), visibles bien au-delà de leur région d’origine. Pourquoi croise-t-on autant de véhicules affichant ces deux numéros de département, à Bordeaux, Lyon, Marseille ou même sur le littoral breton ? Ce phénomène, loin d’être anodin, s’explique par un enchaînement de décisions fiscales, de logiques industrielles et de stratégies propres aux loueurs de véhicules. Car derrière chaque plaque minéralogique se cache parfois une histoire… d’optimisation. Décryptage.
Le SIV : quand la plaque ne reflète plus le lieu d’habitation
Une réforme majeure en 2009
Avant 2009, les véhicules étaient immatriculés selon le département de résidence du propriétaire. Le numéro de département apparaissait donc de manière systématique sur les plaques d’immatriculation. Depuis le passage au Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV), chacun peut choisir librement le département figurant sur sa plaque minéralogique, sans lien avec son adresse réelle. Une liberté qui a aussi transformé certaines pratiques professionnelles.
Une plaque devenue support d’identité… ou outil de gestion
Pour les particuliers, le choix d’un numéro de département sur la plaque peut relever de l’affectif. Pour les entreprises, il obéit à une logique de simplification, de coût ou de volume. C’est là que les départements 60 et 76 entrent en jeu.

Pourquoi autant de voitures immatriculées en 60 (Oise) ?
Un avantage fiscal décisif dans les années 2000
En 2003, l’Oise décide de supprimer la vignette automobile pour les professionnels, après l’avoir déjà supprimée pour les particuliers. Ce geste attire immédiatement l’attention des loueurs de voitures, qui y voient une opportunité de réduire drastiquement leurs coûts d’immatriculation. Le département devient un hub fiscal, attirant les flottes d’enseignes comme Europcar, Hertz ou Sixt.
Une position géographique stratégique
Situé aux portes de l’Île-de-France, l’Oise bénéficie aussi d’une proximité logistique idéale pour les plateformes de distribution et les centres de livraison. Des milliers de véhicules y sont ainsi immatriculés chaque année, même s’ils finissent par circuler aux quatre coins de la France.
Résultat : des plaques immatriculation 60 visibles de Nice à Brest, souvent sur des véhicules de location ou d’entreprise.

Le cas du 76 (Seine-Maritime) : port, constructeurs et fiscalité
Un pionnier de l’exonération
Dès 2002, la Seine-Maritime anticipe la concurrence fiscale entre départements en supprimant également la vignette pour les flottes professionnelles. Elle devient ainsi l’un des premiers territoires à capter massivement les immatriculations de véhicules de sociétés.
L’effet Renault, Le Havre et Sandouville
Avec l’usine Renault de Sandouville, les centres de transit portuaire du Havre, et une forte activité logistique, la Seine-Maritime est devenue une plaque tournante de l’immatriculation de véhicules neufs. De nombreux concessionnaires nationaux ont historiquement utilisé le département 76 comme lieu d’immatriculation initiale, ce qui explique la diffusion nationale des plaques immatriculation 76.

2016 : la fusion des régions n’arrête pas le phénomène
Avec la réforme territoriale, la Picardie (où se situe l’Oise) fusionne avec le Nord-Pas-de-Calais pour former les Hauts-de-France. Cette réorganisation aurait pu faire grimper la taxe régionale sur le certificat d’immatriculation. Mais, contrairement à d’autres régions, les Hauts-de-France décident de la maintenir au plus bas.
“Nous avons décidé de niveler la taxe par le bas”, déclarait en 2018 Xavier Bertrand, président de la région, pour justifier ce choix favorable aux professionnels.
Grâce à cette décision, les loueurs de voitures n’ont eu aucune raison de déplacer leurs flottes. Le 60 reste donc un choix de prédilection.
Héritage des stratégies d’avant-SIV : le précédent du 51
Le cas emblématique de la Marne
Bien avant la liberté du SIV, certaines sociétés utilisaient déjà des adresses fictives pour immatriculer leurs véhicules dans des départements plus souples. Le 51 (Marne) était connu dans les années 1990 pour héberger de nombreuses flottes professionnelles. Comme le révélait La Dépêche en 1998, la préfecture de Châlons-en-Champagne était même saturée par ces pratiques, qui ont fini par être restreintes.
“Le 51 tombe à l’eau”, titrait La Dépêche en 1998, en révélant la fin d’une pratique jugée trop répandue.
Ce précédent illustre que l’immatriculation a toujours été un levier stratégique, bien avant le libre choix du numéro sur la plaque.
Une plaque d’immatriculation, reflet d’un système
Identité, économie, mobilité
Les plaques 60 et et les plaques 76 ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont le résultat de choix politiques locaux, d’un système fiscal incitatif, et d’un usage professionnel de la carte grise à grande échelle. Ce phénomène nous rappelle que la plaque d’immatriculation départementale, même standardisée, reste un révélateur de flux économiques et logistiques.
Une préférence parfois esthétique ou affective
Outrer l’attrait logistique, certains automobilistes les choisissent pour des raisons affectives, régionales, voire esthétiques. Une plaque minéralogique avec le 76 et le blason normand peut évoquer des racines, un attachement au territoire, ou simplement un design jugé plus harmonieux.

Des plaques standardisées, mais hautement personnalisables
Avec le système SIV, chacun peut combiner un numéro national (type AB-123-CD) avec un logo régional et un numéro de département librement choisi. La plaque d’immatriculation département devient alors un support d’identité, bien au-delà de son rôle initial d’identification.
Conclusion : une immatriculation uniforme, des réalités multiples
Au-delà de leur simple apparence, la plaque immatriculation 60 et la plaque immatriculation 76 racontent une histoire bien plus vaste que celle de leur département d’origine. Entre politique fiscale incitative, stratégies logistiques des loueurs de véhicules et inertie post-SIV, ces numéros sont devenus des marqueurs visibles d’un système où l’immatriculation ne rime plus nécessairement avec lieu de résidence. Ce phénomène rappelle que la plaque d’immatriculation, en apparence uniforme, reste le reflet de dynamiques économiques, industrielles et territoriales profondément ancrées. Un détail qui, loin d’être anecdotique, éclaire les coulisses de la mobilité française.
FAQ – Plaques 60, 76 et stratégies d’immatriculation
Pourquoi voit-on autant de plaques 60 ou 76 loin de leur département ?
Parce qu’elles sont souvent issues de flottes de véhicules de location ou d’entreprise, initialement immatriculées dans ces départements pour des raisons fiscales ou logistiques.
Est-ce que ce choix impacte le propriétaire ?
Non. Depuis 2009, le numéro de département sur la plaque n’a aucune incidence administrative ou fiscale. Seule l’adresse figurant sur la carte grise fait foi.
Puis-je changer le département sur ma plaque ?
Oui, à condition de changer physiquement la plaque, le département étant inscrit de manière permanente dessus. Pas d’autocollants, pas de stickers !
Que veut dire “plaque minéralogique” ?
C’est l’ancien nom administratif de la plaque d’immatriculation. Les deux termes sont encore utilisés, notamment dans les textes juridiques.
Le phénomène touche-t-il d’autres départements ?